De sa superstructure architecturale aux infrastructures économiques du capitalisme 2.0, Singapour incarne la « capitale du XXIe siècle ». Non sans écho avec le flâneur de Walter Benjamin découvrant le Paris « capitale du XIXe siècle », la photographe Ng Shi Wen déambule dans les rues de sa ville natale et révèle que le mirage singapourien dépend du labeur de millions de gens invisibles. Le regard qu’elle porte sur ce peuple bigarré, évoluant dans un environnement urbain flambant neuf, peut rappeler le travail d’artistes du XIXe siècle à nos jours qui, eux aussi, se sont penchés sur le quotidien des « destins minuscules » pris dans le filet d’un système économique de plus en plus puissant et ostentatoire. Ici, les images de Ng Shi Wen sont mises en regard avec un grand nombre d’œuvres témoignant de ce contexte, en l’occurrence sous la forme de constellations inspirées du ciel nocturne.

Page après page, un paysage d’histoire de l’art, maillé de correspondances esthétiques et politiques en lien avec la question de la fantasmagorie du monde (post-)moderne, dévoile les enjeux anthropologiques et humanistes de la pratique de Ng Shi Wen à travers une importante filiation, laquelle dépasse les frontières pour conduire à une réflexion critique sur notre présent.